25.

Coutras est situé au confluent de deux rivières : la Dronne, que l’on pouvait traverser facilement au niveau du gué du moulin, et l’Isle, beaucoup plus large et tumultueuse. Arrivé à Coutras le premier, le lundi 19 octobre, mais talonné par l’armée de Joyeuse, Navarre s’installa dans le château du village et entreprit de faire passer l’Isle à ses troupes au gué de Laubardemont. Faire traverser plusieurs milliers d’hommes et tout un train de bagages, de munitions et de ravitaillement allait prendre plus d’une journée, mais une fois de l’autre côté, le Béarnais serait chez lui. Il possédait là-bas suffisamment de forteresses pour faire échec à Joyeuse et décimer peu à peu son armée comme il l’avait fait avec Mayenne.

Navarre ne voulait surtout pas combattre en plaine. Son armée comptait six mille hommes et celle de Joyeuse dix mille, avec le renfort possible de l’armée du maréchal de Matignon, toute proche. Certes le maréchal ne se hâtait pas, mais Navarre savait, par ses espions, qu’il arriverait dans deux jours.

Le Béarnais voulait aussi éviter de se faire surprendre au gué, car alors c’était se battre sans artillerie avec des effectifs réduits, et donc fatalement être battu, aussi donna-t-il des ordres pour que la traversée commence dès son arrivée et se prolonge toute la nuit.

Joyeuse, lui, voulait sa bataille. Le lundi soir, à quatre lieues de Coutras, il réunit un conseil. Ses batteurs d’estrades l’avaient prévenu : Navarre était au gué et commençait à faire passer son armée. Dans la journée, le duc avait envoyé un peloton pour tenir le gué avant Navarre et l’empêcher de passer, mais le peloton avait été repoussé.

L’état-major catholique, composé de jeunes gentilshommes ardents et ambitieux, poussait à la bataille. Joyeuse y était tout autant favorable. Avec une armée de dix mille hommes, il ne pouvait qu’anéantir cette horde de rebelles et d’aventuriers mal équipée, aussi sa décision fut suivie d’acclamations et de vivats. Dans leur euphorie, les catholiques décidèrent même qu’il n’y aurait pas de quartier. À minuit, les troupes royales se mirent en branle. Elles avaient quatre lieues à faire à travers la forêt pour rejoindre Coutras et surprendraient les huguenots à l’aube, au milieu du gué.

Depuis le début de l’après-midi, Navarre faisait traverser la rivière à ses troupes. M. de Clermont avait la charge d’accommoder les passages, c’était un travail épuisant. Les chariots, à mi-roues dans l’eau, s’enfonçaient souvent dans la vase. Il fallait alors les décharger à dos d’homme. L’eau était glaciale et les soldats en avaient jusqu’aux genoux, parfois en haut des cuisses. De surcroît, la rivière était très large. Il y avait bien une barge, mais le courant était si fort qu’il était exténuant de la tirer.

C’est en fin d’après-midi qu’on commença à faire passer l’artillerie et les trains de boulets et de poudre. Olivier avait en charge une des couleuvrines qui, avec son long canon, était excessivement lourde. Il savait que si son chariot s’enlisait, il serait impossible de la déplacer. M. de Rosny, qui avait une grande expérience, avait fait attacher autour de la voiture des flotteurs constitués des tonnelets vides et on avait doublé l’attelage de chevaux. On transporterait ensuite la poudre en petites quantités pour éviter de la mouiller.

Le passage durait depuis trois heures, et la nuit était tombée, quand la couleuvrine et son matériel furent enfin en sécurité de l’autre côté de l’Isle sous le commandement de Clermont d’Amboise, le premier officier de Rosny. Olivier allait prêter main-forte à l’équipe du troisième canon qui attendait sur l’autre rive quand le baron de Rosny arriva au galop, fort agité.

Le roi de Navarre venait d’apprendre que Joyeuse avait mis son armée en route depuis La Roche-Chalais. Tout le camp ennemi marchait déjà avec diligence, résolu de livrer bataille. Il serait en vue dès les sept heures du matin or, d’ici là, il serait impossible d’avoir fait passer le gué à plus de la moitié des troupes. Si l’armée protestante ne voulait pas être taillée en pièces, comme à Jarnac, il fallait la mettre dès maintenant en ordre de bataille. Il était préférable de se résoudre au combat avec toutes ses forces, que de se laisser surprendre par morceaux épars en se retirant, avait jugé le Béarnais. Olivier devait donc immédiatement faire demi-tour, en priant Dieu d’arriver avant le début de l’affrontement.

— Mais, monsieur, objecta-t-il. L’artillerie ne sera jamais en place à temps ! De nuit, il faudra encore plusieurs heures pour faire retraverser les canons, la poudre et les boulets, et les hommes sont gelés et épuisés.

— Je sais, Hauteville, mais c’est un ordre du roi ! Henri n’a choisi ni le lieu ni l’heure. Il est contraint d’accepter l’un et l’autre !

Olivier avait appris à obéir. Il rassembla ses soldats et entreprit de vérifier l’état du chariot portant la couleuvrine pendant que Clermont d’Amboise[83] réunissait tous les hommes disponibles pour lui prêter main-forte.

À trois heures du matin, les trois canons étaient repassés sur l’autre rive. Navarre, en salade à visière et corselet, arriva accompagné de deux officiers. Éclairé par des flambeaux, il conduisit Olivier et Clermont d’Amboise jusqu’à l’endroit qu’il avait choisi pour placer l’artillerie.

C’était un petit tertre, pas très haut, nommé la Butte aux Loups. Sur le flanc de la butte, expliqua le Bourbon, il installerait deux bataillons d’arquebusiers pour les protéger d’une mauvaise surprise.

Olivier jugea l’élévation de terre avantageuse, mais il fallait monter les deux canons et la lourde couleuvrine à son sommet alors qu’il n’y avait aucun chemin. Heureusement, le ciel était clair et la lune décroissante éclairait un peu. Il fallut plusieurs heures pour amener les pièces et les chariots de boulets. À six heures du matin, une faible luminosité apparut. Les affûts n’étaient pas encore en place et Olivier comprit qu’ils ne seraient jamais prêts avant le début de la bataille. Un peu plus bas, autour de lui, il entendait les chevaux hennir et les interjections des soldats qui se mettaient en place, régiment par régiment, compagnie par compagnie.

Vers sept heures, comme la brume se déchirait, la plaine en contrebas lui apparut dans sa totalité. Elle était fort petite, d’environ cinq cents toises de côté. Ils avaient dans leur dos le village et la confluence de la Dronne et de l’Isle. En face s’étendaient des bois. C’est de là qu’était arrivé l’ennemi.

L’armée catholique était déjà presque entièrement rangée. Aux premiers rangs paradaient des gentilshommes aux casques surmontés de bouquets de plumes flottantes. Ils paraissaient chamarrés d’or et d’argent, avec leurs écharpes multicolores, ou brodées de croix de Lorraine brillantes sur leurs cuirasses étincelantes. Leurs chevaux pomponnés, richement harnachés, étaient habillés de housses passementées de toutes les couleurs. Quant aux armes – épées et lances qu’ils tenaient à la main –, elles étaient souvent dorées et étincelaient de mille feux. Les drapeaux et les enseignes étaient innombrables. La plupart de ces gentilshommes étaient en armure ciselée, certains avec d’inutiles chaînes d’or et médailles. Ils se pressaient, riaient, cavalcadaient en désordre, tous joyeux d’exterminer des hérétiques. Quant aux fantassins et arquebusiers, ils étaient excessivement nombreux.

Par instants parvenaient jusqu’à Olivier les rodomontades des plus arrogants. Cela lui faisait penser aux Gelosi, à Matamore et au capitaine Spavento. Seulement, il n’était pas au théâtre et l’ennemi était vraiment : la crainte, la terreur et l’épouvante.

Il frissonna d’inquiétude et de froid, et son regard se porta sur ses propres troupes. Les huguenots étaient vêtus de tenues grises et ternes, sans aucun apparat. Les officiers n’avaient que des cuirasses de buffle ou de fer noirci. Les chevaux n’avaient pas de housse, et même le roi de Navarre, qu’il aperçut vêtu de blanc, entouré des princes, ses cousins, n’arborait qu’un plastron d’acier cabossé et un casque à visière tout autant bosselé. Sa seule coquetterie était dans les grands panaches de longues plumes blanches attachées sur son casque et pendantes sur ses épaules.

Pour dompter sa frayeur, Olivier entreprit de caler complètement la couleuvrine sur son affût. L’effort le calma et le réchauffa, mais il s’inquiétait aussi pour le moral des soldats. Ses compagnons, un vieux sergent et huit hommes d’armes, observaient le silence. Ils ressentaient autant d’angoisse que lui. Tous se doutaient qu’il n’y aurait pas de quartier. Joyeuse avait suffisamment montré sa férocité dans le passé.

Pourtant Navarre avait rassuré ses troupes :

— Que pensez-vous de cette troupe dorée ? avait-il plaisanté avec ses soldats les plus proches. Ne vous réjouit-elle pas ? Je crois voir la troupe des immortels de Darius… et il me semble que nous ressemblons pas mal aux Macédoniens !

À huit heures, les troupes des deux camps étaient finalement complètement disposées. L’artillerie catholique commença à tirer cinq ou six volées, mais placée trop bas et mal servie, aucun boulet ne porta. Le tir s’arrêta et Navarre vit que Joyeuse donnait ordre de déplacer les canons. Cela prendrait bien un couple d’heures, songea-il avec satisfaction. D’ici là, la bataille serait terminée !

Rosny déboula au galop.

— Où en es-tu, baron ? lui lança le roi.

— La grosse couleuvrine est en place, sire. M. Hauteville calcule les angles de tir, mais il reste encore un canon à caler solidement. Nous avons dû le déplacer, car il était instable. Il faudra encore les charger. J’y retourne !

— À quand la première salve ? Eux ne nous laisserons pas de répit ! cria Condé, impatient.

— À neuf heures au plus tard, monseigneur, je vous le promets !

— Dis à Hauteville de se surpasser, conseilla Navarre. Ils sont sacrément nombreux !

Il n’ajouta pas ce qu’il pensait : Beaucoup trop pour nous !

Rosny repartit. En face, un mouvement se faisait. Les cavaliers étaient impatients d’attaquer mais des fantassins arrivaient encore. Navarre remarqua que les arquebusiers étaient fort mal placés et trop regroupés. Si Hauteville avait la bonne l’idée de tirer dans le tas ! se dit-il.

Brusquement, les premiers escadrons catholiques se mirent en mouvement. Les piques s’abaissèrent. Ils se préparaient à charger.

Navarre se dressa alors sur son cheval pour haranguer ses compagnons :

— Braves gentilshommes, vous savez ce que nous avons fait, le prince de Condé et moi, pour épargner votre sang, mais il va couler pour la cause de Dieu et du roi. Soutenez les Valois et les Bourbons contre la maison de Lorraine ! Restons français ! C’est par une victoire éclatante que vous vous ouvrirez un chemin vers vos châteaux, un retour dans vos familles…

Le Béarnais se tourna vers les princes de Condé et de Soissons, et leur lança avec un rire forcé :

— … Et vous, mes cousins, mes amis, embrassons-nous ! Il n’est pas besoin ici de longues paroles. Souvenez-vous que vous êtes du sang de Bourbon, et vive Dieu ! Je vous ferai voir que je suis votre aîné !

— Et nous, répondit le prince de Condé, nous vous montrerons que vous avez de bons cadets !

Deux ministres entamèrent le psaume 118 : La voici l’heureuse journée, qui répond à nos désirs…, et le chant fut repris par le roi, puis par toute l’armée, certains soldats s’étant agenouillés pour prier. À ce spectacle incongru, les cavaliers catholiques qui allaient attaquer retinrent leurs bêtes et des railleries éclatèrent parmi eux.

— Par la mort ! Ils tremblent, les poltrons, ils se confessent ! plaisantèrent les proches amis de Joyeuse.

— Ne vous y fiez pas ! répliqua un vétéran avec inquiétude. Je connais ces rudes adversaires : quand ils prient, ils se préparent à vaincre ou à mourir.

Au moment où le roi de Navarre allait faire sonner la charge, un des pasteurs intervint pour lui dire que Dieu ne bénirait pas ses armes s’il ne réparait pas le scandale qu’il avait créé en séduisant une jeune fille de La Rochelle. Henri le reconnut et confessa ses fautes devant ses compagnons.

Malgré tous les efforts d’Olivier Hauteville, de Clermont d’Amboise et du baron de Rosny, qui s’activaient tant qu’ils le pouvaient avec leurs aides et les servants, les deux armées risquaient d’être aux prises avant que l’artillerie protestante ne soit prête. Or, une fois la bataille engagée, l’artillerie devenait inutile. Ce retard était une grande misère. Mais enfin Olivier termina le réglage de sa couleuvrine, et celle-ci étant chargée, il eut l’honneur du premier coup de feu.

Il avait visé le cœur de l’armée catholique, là où se trouvaient la cornette blanche du duc de Joyeuse, juste en face de la cavalerie de Navarre. Le boulet fit un immense ravage dans les chevaliers et les arquebusiers du régiment de Picardie dont plusieurs rangs de vingt hommes et chevaux furent emportés. La panique gagna les catholiques, terrorisés.

— Joli coup ! lâcha Navarre avec un sourire approbateur.

Olivier écouvilla et fit recharger. Les deux autres canons étaient prêts : celui servi par Clermont d’Amboise visa les fantassins, tandis que Rosny choisit une autre partie de la cavalerie.

De nouveau le carnage fut terrible. Olivier tira à son tour, ensuite chaque coup, tant des canons que de la grosse couleuvrine, emporta une file d’hommes, alors que l’artillerie adverse était toujours muette.

Olivier jugea qu’il pourrait tirer encore une dizaine de salves avant que les troupes ne soient trop emmêlées. Il calcula un nouvel angle et régla sa couleuvrine avec le compas et l’équerre, visant cette fois l’arrière ligne de Joyeuse.

Pour l’instant, les cavaliers s’élançaient. La cavalerie du vicomte de Turenne, qu’on appelait la cavalerie de Gascogne, partit la première. En arrière, et vers la gauche, le prince de Condé, le comte de Soissons, le prince de Conti et le roi de Navarre attendaient en réserve. Les deux escadrons des deux princes étaient chacun de trois cents chevaux, celui du comte de Soissons, un peu moins nombreux.

Mais sachant que sa cavalerie était inférieure à celle des catholiques de Joyeuse, Navarre avait placé des arquebusiers à pied à côté de chaque escadron. Ils ne devaient tirer qu’au dernier moment, quand les ennemis seraient à moins de vingt pas d’eux. De surcroît, ces arquebusiers étaient par groupes de trois hommes, chacun tirant une salve à son tour.

Les catholiques s’étaient jetés dans la mêlée avec une telle impétuosité que l’escadron gascon du vicomte de Turenne fut enfoncé et se débanda. Mais comme les fuyards passaient près du prince de Condé, les officiers du prince se moquèrent d’eux. Piqués au vif, les Gascons revinrent dans la bataille.

La fuite des gens de Turenne avait déjà entraîné des cris de victoire chez les catholiques. Plusieurs troupes, dont la cavalerie albanaise, quittèrent le champ de bataille pour se précipiter dans le village où Navarre s’était logé, insouciants de ce qui se passait sur le reste du champ de bataille. Les catholiques débouchèrent sur la place de l’église, près du château, et découvrirent là une grande partie des bagages de l’armée protestante. Ils n’avaient plus qu’à se servir !

Ils étaient à pied en train de se disputer ces dépouilles quand un escadron de cavalerie protestante tomba sur eux et les mit en pièces.

Entre-temps, le duc de Joyeuse, conforté par la déroute de la cavalerie de Turenne, avait choisi d’enfoncer les gros escadrons du roi de Navarre, du prince de Condé et du comte de Soissons, qui n’avaient pas encore combattu.

Joyeuse partit au galop, avec sa gendarmerie placée en une seule ligne de lances distendue. Les trois Bourbons l’attendaient avec leurs escadrons serrés, formés sur six rangs de profondeur. Les cavaliers huguenots étaient équipés à la reître, avec épée et pistolet. Quand l’ennemi fut à quinze pas, ils s’élancèrent de toute la vigueur de leurs chevaux et firent feu à bout portant pendant que des pelotons d’arquebusiers, postés dans les intervalles des escadrons, tiraient par roulement. Ces décharges jetèrent à terre un grand nombre de royalistes. S’ensuivit une terrible mêlée, où le roi de Navarre et ses deux cousins combattirent en s’épargnant moins que de simples soldats.

En souvenir de la campagne féroce menée par Joyeuse en Poitou et de l’extermination de Lamothe-Saint-Elloy, les huguenots, galvanisés par l’esprit de vengeance, criaient : « Lamothe-Saint-Elloy ! Lamothe-Saint-Elloy ! Souviens-toi de Lamothe-Saint-Elloy ! »

Le carnage fut terrible et la noblesse de Cour, dorée, empanachée, couverte de velours et de broderies, commença à être broyée.

Quant au roi de Navarre, il s’exposait dans la mêlée avec beaucoup d’imprudence.

— À quartier ! À quartier ! Je veux paraître ! criait-il en faisant dégager ceux qui voulaient le protéger.

Ou encore :

— Ôtez-vous de devant moi, ne m’offusquez pas !

Il arracha même un drapeau de la main d’une cornette ennemie en criant :

— Rends-toi, Philistin !

Mais il fut soudain entouré par un détachement catholique qui l’entraîna à l’écart. Par chance, il n’était pas seul et les gentilshommes qui l’entouraient le défendaient comme ils pouvaient.

— Écartez-vous ! criait-il pourtant à ses compagnons. Ne m’offusquez pas !

De la Butte aux Loups, Olivier voyait parfaitement le roi de Navarre grâce au panache blanc de son casque. Maintenant que la mêlée était totale avec l’armée ennemie, il ne pouvait plus tirer avec sa couleuvrine, bien que Rosny préparât un ultime coup. Le jeune homme vit alors avec terreur que deux des gentilshommes qui protégeaient le roi venaient de tomber. Navarre se battait maintenant seul, comme un diable, contre quatre cavaliers. Certain que personne ne pouvait lui porter secours, Olivier se précipita vers son cheval attaché à l’un des chariots, sauta en selle et se rua dans la bataille.

Il arriva sur le Béarnais en même temps qu’un autre gentilhomme venant à la rescousse, un nommé Frontenac, et il abattit un adversaire du roi d’un coup de sabre sur la tête. Frontenac tua l’autre et Navarre parvint à se dégager.

— Encore vous, Hauteville ! cria-t-il tout sourire, en le reconnaissant.

Ils furent un moment séparés, Olivier taillant autour de lui avec ardeur. Mais c’était déjà la fin de la bataille et le début du massacre. L’armée de Joyeuse était rompue de tous côtés et se débandait.

Le duc de Joyeuse se voyant perdu, sans aucune ressource, se retira vers son artillerie en compagnie de son jeune frère. Il ne restait que peu de monde autour de lui. Un de ses gentilshommes lui demanda ce qu’ils devaient faire et il répondit les larmes aux yeux :

— Ne vivre plus, monsieur, et mourir généreusement[84] !

Arrêté par un peloton protestant, le favori du roi jeta pourtant son épée, leur promettant une rançon de cent mille écus. Mais un capitaine dont le frère avait été exécuté à Lamothe-Saint-Elloy le tua d’un coup de pistolet dans la tête, et un autre abattit son frère.

La bataille tourna ensuite en carnage, les soldats et les gentilshommes égorgeant les prisonniers dans une véritable furie. Quant aux blessés, des hommes à pied passaient entre eux et leur coupaient la gorge ou les perçaient d’épieux, les dépouillant ensuite de leurs armes et de leurs bijoux.

Pour faire cesser ces atrocités, Henri de Navarre rassembla ses officiers et partit avec eux chevaucher au milieu des derniers combattants, au risque de se faire tuer par quelque catholique encore armé. N’écoutant que sa bonté, il criait à ses soldats :

— Plus de sang, mes amis ! Recevez-les tous à merci !

Et à d’autres :

— Ils sont braves ! Ils sont français comme vous ! À merci !

Olivier regarda un moment la scène puis, n’ayant plus rien à faire, il revint lentement vers la Butte aux Loups, ressentant maintenant la fatigue, l’épuisement de cette nuit sans sommeil, et surtout le dégoût devant les centaines de cadavres et d’agonisants qui jonchaient le sol. L’odeur de sang, de mort, de déjections était irrespirable. C’était maintenant le temps du butin pour la piétaille qui tentait de picorer quelques écus. Les morts étaient dépouillés et laissés nus. Quelques prêtres et moines catholiques qui accompagnaient l’armée de Joyeuse avaient été autorisés à donner les sacrements aux rares blessés laissés sur place. Il y avait aussi des chirurgiens et des barbiers qui ramassaient les corps de ceux de l’armée de Navarre sur des civières. Des équarrisseurs passaient pour achever les chevaux blessés. Dans l’après-midi, des chariots circuleraient pour prendre les corps et, dès ce soir, on creuserait des fosses.

C’était grande pitié. Combien y avait-il de morts ? Olivier jugea qu’ils devaient être plusieurs milliers, peut-être la moitié de l’armée catholique[85].

Arrivant à la Butte aux Loups, Olivier ne retrouva ni Rosny ni Bussy d’Amboise. Sans ordres, il ne savait que faire, aussi laissa-t-il ses gens d’armes participer au pillage et il resta seul.

Sale, couvert de boue et de sang séché, il parvint à trouver un seau contenant de l’eau et but longuement. Tout son corps était endolori, ses mains n’étaient que plaies et estafilades.

Ôtant son casque, puis sa cuirasse cabossée par un coup de sabre, qui lui était douloureuse, il s’allongea sur son manteau et s’endormit comme une souche.

Il fut réveillé par le seigneur de Panjas, le chambellan ordinaire du roi de Navarre. Le soleil était haut. Brusquement, il ressentit la faim. Quant à la soif, elle était encore plus pressante.

— Sa Majesté vous mande au château, lui dit M. de Panjas, après l’avoir secoué.

— Tout de suite ?

— Tout de suite ! Accompagnez-moi !

Il se leva, remit sa cuirasse et son casque, prit son épée, jeta son manteau sur ses épaules et le suivit.

Ils prirent la direction du village. Tout au long du chemin régnait une intense activité. Un chariot entier était empli de drapeaux et d’enseignes catholiques. D’autres étaient chargés de malles et il en arrivait de nouveaux, de tous côtés du champ de bataille. C’était une partie des bagages de Joyeuse et de son état-major, lui expliqua M. de Panjas.

Ils entrèrent dans le bourg et rejoignirent l’église devant laquelle attendait quantité de soldats sales et ensanglantés. Beaucoup portaient des pansements, s’appuyaient sur des cannes ou des mousquets.

— Mgr de Navarre a installé un hôpital à l’intérieur, dit le chambellan, tandis qu’ils se faufilaient entre chariots et charrettes, tous emplis de brassées d’armes, de pièces de tissu et de manteaux, de casques, de bagages et parfois de vaisselle d’argent.

Les maisons serrées autour de l’église étaient en pierre, sauf quelques-unes à colombages de bois et en torchis. Les plus riches avaient une petite cour dans laquelle on pénétrait par un porche, avec parfois un puits. Des pages y attachaient des chevaux, souvent encore couverts de leurs housses brodées d’or, pillage du seigneur protestant qui s’était installé là. Rosny devait être l’un d’eux, songea Olivier, avec une certaine dérision. C’était aussi cela la guerre : on se battait pour sa foi, pour ne pas être tué, mais surtout pour le butin.

Ils débouchèrent devant les tours du château construit par Odet de Foix, seigneur de Lautrec. L’entrée se faisait par un porche avec un pont-levis baissé sur un fossé presque comblé. Passant devant un puits dans la cour, tandis qu’un serviteur en tirait de l’eau, Olivier plongea ses mains ensanglantées dans un seau et les nettoya avant de s’asperger la figure. Sa barbe était rêche.

Que lui voulait le roi ? se demandait-il sans cesse.

Ils passèrent encore des douves sur un pont dormant avant de pénétrer dans la grande salle. Tout de suite Olivier vit Navarre. Pas plus lavé et pas plus propre que lui, toujours en cuirasse. Cela le réconforta. Le roi avait juste changé son casque pour un chapeau droit, lui aussi à panache blanc, et ceint une large écharpe blanche.

Debout, le Béarnais avait autour de lui les princes et une trentaine de gentilshommes ainsi que des soldats et des officiers dont certains étaient à genoux. Olivier reconnut le maître de camp Agrippa d’Aubigné qui avait reçu une balafre au menton. Il remarqua aussi le prince de Condé, assis sur un fauteuil, dont le visage blafard affichait la fatigue et la douleur.

Voyant entrer Olivier, Navarre lui fit un grand signe d’amitié.

— Mes amis, voici celui que j’attendais ! dit-il. Monsieur Hauteville, approchez et attendez votre tour, poursuivit-il d’une voix rocailleuse. Nous vivons ici aussi à la bonne franquette !

» Monsieur le vicomte, dit-il à Turenne, vous choisirez parmi vos blessés ceux qui ont fait le plus preuve de courage et de mérite et vous leur promettrez dix écus sols que mon trésorier de Pau, maître Duperray, leur paiera.

Le roi de Navarre se tourna vers un autre officier.

— Monsieur Bellesunce, votre soldat aura la croix de Saint-Esprit que vous avez demandée pour lui, il l’a bien gagnée.

» Maintenant, messieurs, occupons-nous de M. Hauteville. Plusieurs d’entre vous le connaissent, l’ayant eu sous leurs ordres, mais je suis celui qui le connais le mieux. Monsieur Hauteville est catholique. Son père a été assassiné par la Ligue quand il était sur le point de découvrir une fraude sur les tailles royales. C’est M. Hauteville qui a finalement châtié les coupables et, avec l’aide de Monsieur de Mornay, une partie de ces tailles détournées sont rentrées dans mes caisses !

Olivier vit Philippe de Mornay sourire.

— Dans une autre occasion, que certains d’entre vous connaissent, monsieur Hauteville m’a sauvé la vie. Ensuite, il nous a rejoints, pas vraiment par foi, puisqu’il est catholique et veut le rester, mais il a tout de même tout quitté pour se battre avec nous.

Il se mit à rire, avant de reprendre plus sérieusement :

— Aujourd’hui, M. Hauteville, à lui tout seul, a fait disparaître du champ de bataille trois ou quatre cents de nos ennemis. Il en a sans doute tués ou meurtris plus qu’aucun d’entre vous ! Notre victoire appartient à Dieu, c’est vrai, mais s’il faut en attribuer quelque chose aux hommes, croyez que M. de Clermont, M. de Rosny et M. Hauteville, nos artilleurs, y ont bonne part, car leurs pièces ont fait merveille.

» Messieurs, je n’oublierai jamais le service que vous m’y avez rendu ! dit le roi en regardant Rosny qui se rengorgea.

» M. Hauteville aurait pu s’arrêter là, poursuivit Navarre. Il ne l’a pas fait, car il est trop vaillant homme ! Dans cette bataille, je fus un moment en difficulté, et qui vint me porter secours, ayant vu depuis la Butte aux Loups qu’on m’attaquait en nombre ? M. Hauteville, encore !

Navarre se tut et considéra les princes, ses cousins et ses capitaines, avant de questionner :

— Que pensez-vous de ce brave, mes amis ?

— Il mérite d’être chevalier, mon cousin, déclara fermement Soissons.

— Il le mérite ! clama Turenne, avec un franc sourire.

— Il le mérite ! approuva gravement La Rochefoucauld.

— Et toi, mon cousin, toi qui t’es battu comme un lion ? demanda le roi au prince de Condé.

Navarre se tourna vers Olivier pour lui expliquer, le visage sincèrement navré :

— C’est ma faute, je lui ai dit que je lui montrerai que j’étais son aîné ! Il a voulu en faire plus que moi, il a pris trop de risques et a reçu un coup de lance qui l’a fait chuter de cheval. Il a depuis de cruelles douleurs au ventre.

— Je me remettrai, mon cousin, le rassura le prince de Condé, avec une sorte d’affliction. J’ai déjà fort honte d’être céans assis alors que vous êtes debout.

Il tenta de se lever et Navarre lui prit affectueusement la main pour l’aider.

— Pour répondre à votre question, mon cousin, oui, monsieur de Hauteville mérite ses éperons, murmura Condé.

— Mornay, et vous, Rosny, je ne vous interroge pas ! Je sais combien vous aimez M. Hauteville, poursuivit Navarre avant de s’approcher d’Olivier.

» Monsieur Hauteville, laissez-moi vous porter l’accolade. D’ailleurs, ici, en Béarn et Gascogne, on dit l’accolée !

Alors que Hauteville tombait à genoux, le roi le saisit par le cou et les épaules et lui donna une forte bourrade, ce qu’on appelait la chère et grande accollée. Celle qui faisait du roturier un chevalier gentilhomme.

— Relevez-vous, chevalier, et continuez à me bien servir.

À ce moment, des gardes entrèrent en transportant des corps dénudés.

— Qu’est cela ? demanda Navarre.

— Ce sont les corps de M. de Joyeuse et de son frère, sire. Vous les avez demandés.

— Ces chiens peuvent rester dehors ! lança une voix en colère.

— Dehors ! approuvèrent plusieurs autres.

— Silence, messieurs ! leur répliqua Henri avec sévérité. Ce moment est celui des larmes, même pour les vainqueurs ! Vous les laverez dans une chambre et que leurs restes soient portés au roi de France. Je lui écrirai ce soir[86].

» Mes amis, c’est à ce coup que nous ferons perdre l’opinion que l’on avait prise que les huguenots ne gagnaient jamais de bataille, car en celle-ci, la victoire y est tout entière alors qu’ils étaient deux fois aussi forts que nous.

» Je veux, messieurs, poursuivit-il, que nous recevions bien nos prisonniers. Au souper de ce soir, certains dîneront avec nous. Nous leur rendrons leurs armes et les renverrons sans rançon.

Il y eut des murmures de désapprobation.

— La seule rançon que je souhaite, poursuivit le roi d’un ton ferme, est le retour de la paix et de l’édit de Poitiers. Ce sang qui se répand me fâche trop !

Sortant du château, encore tout étourdi par ce qui lui arrivait, Olivier fut rejoint par M. de Mornay.

— Olivier, je suis si fier et si heureux pour toi !

— Merci, monsieur, car je crois que vous êtes pour quelque chose dans les honneurs qui m’arrivent.

— Non ! Tu ne les dois qu’à toi-même, et au roi. Cela fait longtemps qu’il y songeait, mais il attendait une occasion. Fait chevalier sur le champ de bataille, par le roi lui-même, te donne une noblesse rare, la noblesse de sang, celle qu’on dit la première noblesse.

— Cela va-t-il changer quelque chose… pour Cassandre ?

— C’est de cela que je voulais te parler. J’ai interrogé le roi. Il est bien trop tôt pour envisager un mariage. Tu sais que depuis que Mme de Limeuil a fait parvenir ses documents, la filiation de Cassandre a été reconnue. Henri III l’a fait enregistrer par le chancelier, M. de Cheverny. Et toi, tu viens juste d’être fait chevalier. Mais surtout, il y a le prince de Condé. Je crains qu’il ne s’oppose toujours à cette union. Il m’a parlé de projets qu’il avait pour Cassandre, et de dot qu’il est prêt à faire. Pour l’instant, il est le principal obstacle, et comme chef de famille, Cassandre ne peut aller contre lui.

— Rien n’a donc changé ?

— Laisse faire le temps, ta patience et ton roi, conclut Mornay, en le serrant affectueusement.

Le soir, n’étant pas invité au souper des capitaines, Olivier dormit dans une grange avec le sergent et les soldats qui servaient la couleuvrine. Le lendemain, un page de M. de Rosny vint le chercher.

Rosny avait pris possession d’une belle maison du village avec un puits devant. Une dizaine de chevaux étaient attachés dans la cour. Olivier entra. Dans la pièce principale s’entassaient des coffres, fruits du pillage du baron. Celui-ci, en culotte bouffante, pourpoint et fraise, surveillait attentivement l’inventaire qui en était fait. Sa longue barbe était bien peignée et son visage affichait sa satisfaction.

— Ah ! Monsieur Hauteville, venez par là, nous avons à parler.

Il le prit par l’épaule et le conduisit dans une chambre située derrière la salle. Il y avait là un lit à rideaux et une table sur laquelle s’étalaient des viandes et des confitures. Un valet attendait. Olivier se demanda où était le propriétaire de la maison.

— Installez-vous, monsieur Hauteville. Et mangez et buvez de tout votre soûl !

Olivier, affamé, suivit le conseil.

— Le roi m’a remis cent écus pour vous, ainsi que le cheval pommelé que vous avez vu dans la cour. J’ai bien peur que vous n’ayez pas beaucoup pillé…

— Non, monsieur, j’étais trop las.

— Ce n’est pas ainsi que vous ferez fortune ! Mais c’est votre affaire. Je suis très fier que le roi ait anobli un de mes hommes, mais vous savez que vous devez maintenant acheter un fief, puisqu’il ne vous en pas offert un.

— Je n’ai pas encore eu le temps d’y songer, monsieur le Baron, sourit Olivier.

— J’y ai pensé pour vous, rassurez-vous ! Le roi va établir des lettres patentes pour confirmer votre dignité, mais vous ne serez noble que dans le royaume de Béarn. Son chancelier écrira ensuite au roi de France qui, s’il l’accepte, vous fera parvenir des lettres de noblesse qui devront ensuite être dûment enregistrées par un parlement. Tout cela prendra du temps, d’autant qu’après notre victoire, Henri III sera mal disposé envers nous ! plaisanta-t-il. Pour l’instant, vous pouvez posséder un fief dépendant du roi de Navarre et faire enregistrer votre noblesse à Pau.

— Un fief ! Savez-vous comment je dois faire ?

— Figurez-vous que, la dernière fois que je suis venu en Béarn, un notaire de Nérac m’en a proposé un. Je l’ai acheté pour mon fils, car il n’était pas cher ! Mais après l’avoir vu, j’ai compris mon erreur : c’est une pauvre terre, je ne vous le cache pas. C’est cependant un fief noble. Il a un joli nom et possède un droit de seigneurie.

— Vous me le vendriez ?

— Oui, si vous pouvez le payer. Je l’ai acheté huit cents livres et je vous le laisse au même prix.

Olivier n’eut pas besoin de calculer. Il disposait de beaucoup plus avec le butin qu’il avait gagné au cours des mois et celui de Garde-Épée.

— Je vous l’achète, monsieur.

Rosny parut satisfait.

— Vous ne voulez pas le voir avant ?

— Je vous fais confiance, monsieur de Rosny.

— Vous ne m’avez pas demandé le nom de ce fief…

— C’est vrai, j’ai l’esprit ailleurs, répondit Olivier qui se demandait où pouvait être Cassandre à cette heure.

— C’est le fief de Fleur-de-Lis[87], vous pourrez donc vous faire appeler M. de Fleur-de-Lis.

Le maréchal de Matignon ne s’approcha pas de Coutras. Henri aurait donc pu remonter vers le nord pour s’attaquer à l’armée du roi de France, mais il ne voulut pas le faire, d’autant qu’une certaine indiscipline se manifesta dans son armée. Beaucoup de ses gentilshommes, à la fois harassés et suffisamment gavés de butin, reprirent le chemin de leur château. Henri regagna finalement Nérac et Olivier de Fleur-de-Lis dut le suivre sans revoir Cassandre de Saint-Pol qui se trouvait à La Rochelle.

À Paris, la reine mère resta profondément accablée par la défaite de Joyeuse.

— En toutes les batailles et rencontres advenues en France depuis vingt-cinq ans, il n’était mort autant de gentilshommes français qu’en cette malheureuse journée, dit-elle.

Le roi regretta sa noblesse décimée, mais peu son ancien favori qu’il jugea mauvais serviteur, n’ayant jamais reçu l’ordre de s’attaquer à Navarre. Cette défaite était un grand malheur, car elle le laissait sans armée, sans gentilshommes, sans argent et sans pouvoir.

Contre toute attente, le duc de Guise battit en deux rencontres l’armée des reîtres allemands venue soutenir les protestants. Ainsi, la bataille de Coutras laissait face à face Henri de Navarre, soutenu à la fois par les protestants et les royalistes légitimistes, et le duc de Guise, appuyé par les communautés ligueuses catholiques.

Par sa politique, Henri III était parvenu à briser les négociations entre Navarre et sa mère et à empêcher qu’on fasse disparaître son beau-frère. Mais il en payait cher le prix. Jamais la haine des protestants n’avait été si forte, et tout l’effort de la Ligue, soutenu par une populace furieuse, était maintenant dirigé contre lui.

C’est donc après Coutras, seul dans son Louvre, qu’il décida de se débarrasser du duc de Guise.

La guerre des amoureuses
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